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donc, elle aussi, à l’amitié. Elle avait tort de croire que Louise lui fût plus dévouée que ne l’était Olivier à Pierre, ou l’archiduc à Verdier. Elle ne se trompait pas en pensant que ce dévouement était autre. En effet, l’amitié féminine et l’amitié masculine diffèrent d’abord en ceci : que la seconde est presque toujours la mortelle ennemie de l’amour, et que l’autre en est le plus souvent la complaisante alliée. Il est rare qu’un ami voie d’un œil indulgent la maîtresse de son ami, au lieu que l’amie, même la plus honnête, garde une naturelle sympathie à l’amant de son amie, pourvu que cet amant rende cette amie heureuse. C’est que la plupart des femmes sont amoureuses de l’amour, de tout amour, de celui des autres comme du leur propre. L’homme, au contraire, par un instinct où se retrouve le farouche despotisme du mâle primitif, ne s’attendrit guère que sur une seule sorte d’amour, celui qu’il ressent ou celui qu’il inspire. On l’a vu, Louise Brion était déjà toute bienveillance, toute pitié pour Hautefeuille, au moment même où, recevant la confession d’Ely dans le jardin de sa villa, elle la suppliait de renoncer à ce dangereux amour. Dès cette soirée elle s’intéressait au jeune homme, à ses émotions, à ses délicatesses, alors qu’elle employait toute l’éloquence d’une tendresse inquiète à demander que son amie ne le revît jamais. Plus tard, quand Ely s’était abandonnée à cet amour, Louise s’était retirée, effacée, — par scrupule et pour ne pas assister à une aventure où