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l’amitié. Dans le cœur de Verdier, l’amour l’avait emporté : il n’avait pour le prince qu’une affection de disciple à maître, d’obligé à protecteur, toute en déférence et en reconnaissance. Et puis Verdier estimait la femme qu’il aimait. Que son attitude eût été différente, s’il eût rendu à son patron amitié pour amitié, comme Pierre à Olivier, et surtout s’il eût jugé Florence Marsh comme Pierre jugeait sa maîtresse ! Cette analogie et ce contraste s’imposèrent à Ely, au sortir du laboratoire, avec une intensité qui finit d’user ce qui lui restait d’énergie physique. La nécessité d’agir pour les autres ne la soutenait plus. Elle était seule en face d’elle-même, et, comme il arrive après des émotions trop violentes suivies d’efforts trop énergiques, l’organisme en elle défaillit. Elle fut, à peine revenue chez elle, terrassée par une migraine pareille à une agonie ; et de telles crises sont une agonie, en effet, celle du système nerveux, auquel la volonté a emprunté trop de forces, et qui crie grâce. Ely n’essaya pas de lutter ; elle se coucha comme une malade, à une heure, après avoir envoyé une dépêche à la seule personne dont elle pût supporter la présence, la seule dont elle attendît un appui, la fidèle Louise Brion, la confidente bien négligée pendant ces dernières semaines :

— « C’est mon amie à moi, » se disait-elle, « Et cette amitié vaut mieux que la leur, qui n’est faite que de haine. »

Dans cette extrémité de détresse, elle s’adressait