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ce vaste crime collectif que les niais appellent la civilisation. De ta découverte, de tes découvertes, car tu continueras de travailler et d’avoir du génie, ton nouveau maître fera des millions et encore des millions, ce qui signifie un luxe abject et des vices immondes en haut, en bas un fumier de misère et d’esclavage humain… Ah ! cette fille, que je l’avais bien jugée au premier jour ! Voilà son œuvre. Elle est apparue et tu n’as pu tenir… Contre quoi ? Contre des sourires et des regards qui auraient été à d’autres si tu ne t’étais pas trouvé là, au premier imbécile venu avec du torse et des moustaches. Contre des toilettes surtout et contre du luxe ! … Laisse-moi continuer ! Dans une heure tu seras près d’elle et tu riras de ton vieux maître, de ton ami, tant que tu voudras, avec elle… Un ami comme moi, et qui t’aime comme je t’aimais, tu ne sais pas ce que c’est ! Tu le comprendras un jour, quand tu auras mesuré la différence entre ce que tu quittes, cette mâle communion d’idées, cette haute intimité de pensées, et ce que tu préfères : cette vie où tu vas entrer, étiolante, dégradante, empoisonnée… Adieu, Verdier, » et l’étrange personnage eut pour dire ce mot : « Adieu, » un accent d’une amertume et d’une tristesse infinies. « Tu épouseras cette fille, je le lis dans tes yeux. Puisqu’il en est ainsi, décide-toi tout de suite. Va-t’en, je préfère ne plus jamais te revoir. Fais ta fortune avec ce que tu as appris chez moi. Tu l’aurais appris ailleurs, et nous sommes quittes. Je t’ai dû les meilleures