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Mais donner un libre cours à sa fureur contre Olivier, c’était agir dans le sens de sa passion pour l’autre… Et puis, — car en remuant notre âme dans ses couches les plus intimes, la douleur fait se lever cet arrière-fonds d’espérance qui persiste en nous par-dessous tous les désespoirs, — et puis, qui sait si Olivier, mis en face de sa propre infamie, ne se repentirait pas, s’il n’irait pas à son ami lui dire : « Ce n’est pas vrai. J’ai menti. Je n’ai pas été l’amant de cette femme… » ? Cet ouragan d’idées folles, de vaines colères et de plus vaines hypothèses allait se briser contre un second fait aussi brutal que l’autre, Ely avait envoyé cette lettre à Olivier par un de ses domestiques, vers les sept heures. Une demi-heure après et pendant qu’elle achevait, fiévreuse d’attente, sa toilette du soir, cet homme avait rapporté la réponse : une large enveloppe fermée, dont l’adresse était écrite de la main d’Olivier, et dans cette enveloppe se trouvait sa lettre à elle, non décachetée…

Ainsi les deux amis s’entendaient pour lui infliger la même insulte sous la même forme ! C’était comme si elle les avait vus se prendre les mains et se jurer l’un à l’autre un pacte d’alliance contre elle, au nom de leur amitié. Pour la première fois cette âme, habituellement étrangère aux mesquineries de son sexe, éprouva contre cette amitié la haine irraisonnée que les maîtresses vulgaires portent même aux simples