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C’était bien lui qui renvoyait ce billet à sa maîtresse, sans avoir voulu même l’ouvrir. Survenant après l’explication de tout à l’heure, ce refus et ce renvoi signifiaient une rupture, et le motif apparaissait aux yeux consternés d’Ely avec une affreuse évidence. Elle ne pouvait pas connaître l’exacte vérité : la jalousie de Berthe Du Prat éveillée par tant d’indices, et ce long drame intérieur qui avait contraint la jeune femme à pousser vers le confident le plus intime de son mari l’appel le plus désespéré, le plus révélateur, C’était là une succession de hasards impossible à deviner, au lieu qu’une volontaire indiscrétion d’Olivier à son ami apparaissait comme si probable, si conforme à l’habituelle bassesse de l’orgueil masculin blessé ! Ely n’imagina pas, elle ne chercha pas d’autre cause à la foudroyante révolution d’âme accomplie chez Pierre et dont elle avait là, devant elle, une muette preuve plus indiscutable, plus affirmative que toutes les phrases. Le détail de la catastrophe se reconstituait très simplement, très logiquement : Olivier l’avait quittée, fou de rancune et de désir, de jalousie et d’humiliation ; et, dans un accès de demi-folie, il avait manqué à l’honneur. Il avait parlé. Qu’avait-il dit ? Tout… À cette seule idée, le sang se glaçait dans les veines de la malheureuse femme. Depuis la minute où, sur le quai du vieux port à Gênes, Hautefeuille lui avait tendu la dépêche annonçant le retour d’Olivier, elle avait traversé de si pénibles heures qu’il semblait que sa pensée dût s’être adaptée à ce danger, avoir