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d’honneur que tu ne reverras plus cette femme, que tu ne la recevras pas si elle vient chez toi, que tu ne lui répondras pas si elle t’écrit, que jamais tu ne demanderas de ses nouvelles, quoi qu’il arrive, jamais, jamais… »

— « Je t’en donne ma parole d’honneur, » répondit Olivier, sans hésitation et d’une voix ferme.

— « Eh bien ! moi, » reprit Hautefeuille avec un profond soupir où il y avait du désespoir et du soulagement, « je te donne ma parole d’honneur que j’agirai de même, que je ne la reverrai jamais, que je ne lui écrirai jamais. » Je viens de le sentir à cette seconde : maintenant il n’y a pas place pour toi et pour elle à la fois dans mon cœur. Je t’y garde. »

— « Merci, » dit Olivier en prenant la main de son ami. Une inexprimable émotion l’envahissait, faite de joie, de reconnaissance et d’épouvante, — joie de leur amitié sauvée, — reconnaissance pour la délicatesse avec laquelle Pierre lui épargnait les tortures certaines de la plus horrible jalousie, — épouvante devant la sauvage douleur empreinte sur cette physionomie pendant ce vœu de sacrifice. Mais Hautefeuille, comme pressé de fuir cette chambre où venait de se jouer la terrible scène, avait ouvert la porte :

— « Tu as une malade, là-haut, » disait-il. « Tu dois être auprès d’elle. Il faut qu’elle guérisse vite pour que nous puissions partir, demain si c’est possible, après-demain au plus tard… Je t’accompagne. Je t’attendrai dans le salon… »