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— « Pas elle-même. Elle m’a fait dire qu’elle m’attendait. »

— « Pourquoi lui demandais-tu ce rendez-vous ? Que vous êtes-vous dit ? »

— « Je lui ai dit ce que je croyais alors la vérité. J’étais indigné à l’idée qu’elle avait voulu se venger de moi à travers toi, et j’avais besoin de le lui crier, de lui faire honte. Elle m’a répondu, elle m’a prouvé qu’elle t’aimait… » Et il ajouta : « Ne m’en demande pas davantage… »

Pierre le regarda. La fièvre d’un pareil interrogatoire lui brûlait à nouveau le cœur. Il eut une question sur les lèvres : il allait ajouter : « Lui as-tu parlé de votre passé, de votre ancien amour ? … » Puis, sa noblesse native eut un haut-le-cœur devant la bassesse d’une si dégradante inquisition. Il se tut, et il commença de marcher à travers la chambre, en proie à un combat que son ami suivait avec une mortelle angoisse. Ces questions qu’il avait posées coup sur coup venaient de lui rendre Ely trop présente. Elles avaient ranimé les sentiments exorcisés tout à l’heure par le viril et douloureux appel d’Olivier. L’amour méprisant, désabusé, avili, cruel, — mais l’amour, — luttait contre l’amitié dans ce cœur bouleversé. Soudain le jeune homme s’arrêta. Il frappa le parquet du pied, en même temps que de son poing crispé il battait l’air. Il jeta un : « Ah ! » de révolte, de dégoût et de délivrance, et, les yeux dans les yeux de l’autre :

— « Olivier, » dit-il, « donne-moi ta parole