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L’écroulement de son mariage, c’était une misère à laquelle il était préparé. Cette désespérée reprise de passion pour Ely de Carlsberg, c’était une affreuse épreuve à subir ; il la subirait. Mais perdre cette amitié sacrée, cette fraternité unique, dans laquelle il avait toujours trouvé un refuge, un appui, une consolation, une raison de s’estimer et de croire au bien, c’était le déchirement dernier, après lequel il n’avait réellement plus rien dans la vie à quoi tenir, plus personne avec qui et pour qui durer, l’entrée dans la froide, la noire, la totale solitude… Tout l’avenir de cette amitié se jouait à cette minute, et il demeurait là, immobile, à laisser passer un temps peut-être irréparable. Tout à l’heure, dans la voiture qui les ramenait à l’hôtel, il n’avait pu dire un seul mot à Pierre. Maintenant il lui fallait à tout prix parler, défendre cette chère et noble chose, leur fraternité, prendre part au débat dont le cœur de cet ami si cruellement frappé était le théâtre. Comment celui-ci l’accueillerait-il ? Que se diraient-ils ? Olivier ne se le demanda pas. L’instinct qui le fit sortir de son appartement et descendre chez Hautefeuille était aussi inconscient, aussi irraisonné que l’avait été l’appel de sa femme à ce même Hautefeuille, — cet appel qui avait tout perdu. La démarche d’Olivier serait-elle moins funeste ? … Quand il eut passé la porte de la chambre, il vit Pierre assis à sa table, la tête dans ses mains. Une