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si simple, une permission de visite ! Cette hésitation était déjà une preuve trop certaine d’un mystère, et un des fragments ainsi rapprochés en révélait trop la nature : « Il y a des vengeances infâmes, ma chère Ely, et celle que vous avez imaginée… » Cette phrase, Olivier l’avait écrite dans la minute la plus amère de son insomnie. Sa douleur s’était soulagée à cette insolence du prénom, à ce rappel outrageant d’une ineffaçable intimité. Puis il avait déchiré la feuille avec une rage que révélait la minutie même de cette lacération. Cette phrase fatale une fois rétablie et déchiffrée, Berthe Du Prat n’avait plus vu qu’elle. Tous ses pressentiments avaient donc deviné juste : cette baronne Ely de Carlsberg, dont Corancez avait parlé à Hautefeuille dans le wagon, était bien l’ancienne maîtresse de son mari ! S’il avait voulu revenir à Cannes, c’était parce qu’il la savait là, et pour la revoir ! S’il était comme fou depuis ces huit jours, c’était à cause d’elle ! La lettre qu’il tenait à la main tout à l’heure était pour elle ! II était allé la porter chez elle ! … Devant cette indiscutable et terrassante certitude, la jeune femme avait été saisie d’un tremblement convulsif qui avait augmenté à mesure que l’heure avançante rapprochait l’instant du déjeuner. Vainement elle s’était dit : « Je dois être calme pour cette explication… » car elle était bien résolue à parler, cette fois, à ne pas accepter davantage une situation intolérable… Mais comment cette volonté de calme aurait-elle duré ? Vers midi, elle