Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/354

Cette page n’a pas encore été corrigée

ce qu’Olivier allait répondre, dans une anxiété si intense qu’elle crut s’évanouir et qu’elle ferma les yeux. Avec sa logique de femme véritablement, profondément éprise, elle avait acculé cet homme, venu chez elle pour la menacer et l’outrager, aux deux seuls partis que comportât leur tragique situation : ou bien tout dire à Hautefeuille, et celui-ci déciderait lui-même s’il aimait assez Ely pour croire encore en elle sachant qu’elle avait été la maîtresse de son ami ; — ou bien lui épargner cette misère, le laisser dans son ignorance et dans son bonheur, et alors il fallait qu’Olivier partît, qu’il cessât de s’infliger et d’infliger à son ancienne maîtresse des troubles qui, à eux seuls, suffisaient à tout révéler de leur commun passé. Qu’allait-il décider ? Lui, tout à l’heure si âpre de parole, si agressif d’attitude, il ne répondait pas. À travers ses paupières battantes, Ely le voyait qui la regardait d’un étrange et ardent regard. Une lutte se livrait en lui. Quellelutte ? Elle allait le savoir et aussi quelle émotion ce déchirant appel venait d’éveiller dans ce cœur qui n’avait jamais pu s’arracher d’elle entièrement :

— « Vous l’aimeriez ? … » dit-il enfin, « vous l’aimeriez ? … Mais oui, vous l’aimez. Je le sens, je le vois. Il faut cela pour expliquer que vous ayez pu trouver cet accent, ces mots, cette vérité… Ah ! » continua-t-il âprement, « si vous aviez été à Rome une fois ce que vous venez d’être là tout à l’heure, si une fois, une seule, je vous avais sentie sentir ! … Mais vous ne m’aimiez pas, moi, et vous