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tout, une minute aussi où je vous reverrais, où vous me parleriez à moi comme vous venez de me parler… Ah ! douleur ! Ah ! honte ! … » Et lâchant le bras d’Olivier, elle mit ses poings fermés sur ses yeux, avec un geste d’une agonie physique. C’était dans sa chair qu’elle souffrait, dans ce corps jadis abandonné tout entier à cet homme, qui la laissait continuer : — « Pardon. Ce n’est pas de moi qu’il s’agit, ni de ce que je puis souffrir, c’est de lui… Que je l’aime avec tout mon cœur, avec tout ce que j’ai de noble, de bon, de vrai en moi, vous ne pouvez plus en douter. Regardez-moi en face seulement. Qu’il m’aime aussi, et avec ce grand cœur que vous connaissez, vous l’avez compris. Toute cette semaine, à travers ce qu’il me disait, je vous ai vu — avec quelle angoisse ! — découvrir notre secret, heure par heure… Ce secret, aujourd’hui, vous le savez : Pierre m’aime comme je l’aime, d’un amour passionné, unique, absolu… Et maintenant, si vous le voulez, allez lui dire que j’ai été votre maîtresse. Je ne me défendrai pas plus que je ne me suis défendue tout à l’heure. Je ne me sens pas la force de lui mentir. Le jour où il viendra me demander : « Est-ce vrai qu’Olivier a été votre amant ? » je lui répondrai : « Oui. » Mais ce n’est pas moi seule que vous aurez frappée… »

Elle se tut, et, comme si l’effort pour dire sa pensée, toute sa pensée, avec tant de choses qui s’y trouvaient mêlées, tristes et amères, eût épuisé sa force, elle retomba sur le fauteuil, la tête appuyée en arrière sur le dossier. Elle attendait