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contenait peu de phrases, — mais quelle menace pour celle qui les lisait dans ce même petit salon où elle avait pris la résolution, si mal tenue, de renvoyer, Pierre Hautefeuille, précisément par terreur de la catastrophe que ces quelques lignes annonçaient :

« Madame,

« J’aurai l’honneur de me présenter chez vous aujourd’hui à deux heures. Puis-je espérer que vous voudrez bien me recevoir, ou, si cette heure ne vous convenait pas, m’en fixer vous-même une autre, en ayant comme assuré que vos moindres désirs seront toujours des ordres pour votre respectueusement dévoué Olivier Du Prat »

— « Dites que c’est bien, » fit-elle, « et que je serai à la maison cette après-midi. » Il lui avait été impossible de répondre par écrit à cette lettre, pourtant bien banale, mais qu’Olivier avait dû composer dans un état singulier d’agitation et de décision à la fois. Ely, qui connaissait son écriture, pouvait voir, au tracé des caractères, que la plume s’y était comme crispée, comme écrasée. Elle se dit : « C’est la guerre. Tant mieux ! Je saurai à quoi m’en tenir dans quelques heures… » Mais, malgré son énergie native, malgré la force de résistance que lui donnait sa passion, qu’elles lui parurent