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neigeuses. Mais la distraction de la jeune femme n’était qu’apparente, et si Olivier n’avait pas été lui-même bouleversé par un nom soudain prononcé, il aurait pu voir que ce même nom la faisait, elle aussi, frémir tout entière :

— « Est-ce que vous dînez demain à la villa Hetmholtz ? » avait demandé Mme Bonaccorsi à Hautefeuille.

— « J’irai le soir, » avait-il répondu.

— « Sais-tu si la baronne Ely est à Monte-Carlo aujourd’hui ? » demanda Corancez.

— « Non, » fît Hautefeuille, « elle dîne chez la grande-duchesse Véra. »

En disant cette phrase pourtant bien simple, sa voix avait tremblé un peu. Il eût trouvé puéril et indigne de jouer à la cachotterie devant Olivier, et il était parfaitement naturel que Corancez, le sachant si lié avec Mme de Carlsberg, lui demandât un renseignement d’une telle insignifiance. Mais le don de double vue que semblent posséder les amants lui avait fait sentir que son ami le regardait d’un regard particulier, et, chose plus singulière, la jeune femme de son ami. La conscience du tendre secret qu’il portait caché au fond de son cœur, en un sanctuaire d’adoration, lui avait rendu ces deux regards si pénibles que sa physionomie s’altéra un peu, — juste assez pour que les deux personnes qui l’épiaient en ce moment trouvassent dans ce passage de trouble de quoi répondre chacune à sa pensée :

— « La baronne Ely ? Mais c’est le nom écrit sous