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En même temps qu’il nommait ainsi la Vénitienne, Hautefèuille rougissait encore. Il devinait par quelle association d’idées Olivier lui posait cette question aussitôt après avoir manié la bague et certainement lu la devise : son ami croyait que ce souvenir lui venait d’une Italienne, et qui pourrait-ce être, sinon la marquise Andriana ? Un autre se serait réjoui de cette erreur qui égarait aussitôt une perspicacité bien vite éveillée. Hautefeuille, lui, était trop délicat pour ne pas souffrir d’une équivoque de cet ordre qui compromettait une femme irréprochable, et dont il avait été le témoin, à son mariage… Cet embarras, cette rougeur, un rien d’hésitation dans la voix, autant d’indices pour l’autre qu’il était sur la véritable piste. Olivier eut un remords d’avoir cédé à une impulsion presque irréfléchie. Il pensa qu’il avait froissé son ami, et ii aurait voulu lui en demander pardon. Mais souligner une indélicatesse en s’en repentant, c’est toujours une indélicatesse de plus. Ce qu’il pouvait faire, et ce qu’il fit, c’était de réparer un peu l’impression que ses sarcasmes de la veille avaient dû produire sur Hautefeuille, si ce dernier était amoureux de la Vénitienne. L’anglomanie de Navagero lui servit de texte à caricaturer en quelques mots un snob du même ordre rencontré à Rome, puis il conclut :

— « J’étais de méchante humeur hier, et j’ai dû te paraître vaguement prudhomme dans mon accès de sépia… Je me suis tant amusé moi-même