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pour prendre cette bague. Elle l’attirait, d’une maladive et irrésistible attraction. Machinalement, comme il passait devant la commode, et sans s’interrompre de parler, il la saisit et il la mania, une seconde, d’un air indifférent. Il vit qu’une inscription était tracée en toutes petites lettres à l’intérieur : « Ora e sempre, — maintenant et toujours », — cette devise des deux amants du palais Fregoso, qu’Ely avait fait graver sur le talisman de tendresse donné à son ami au retour de Gênes. Olivier ne pouvait pas comprendre ce doux rappel de douces heures. Il reposa la bague sans un commentaire. Mais s’il avait pu conserver un doute sur ce qui se passait en lui-même, il l’aurait perdu à constater son immédiat soulagement. Il n’avait rien trouvé à l’intérieur de la bague qui lui révélât, comme il s’y attendait, Mme de Carlsberg. Au contraire, ces mots Italiens venaient de lui suggérer de nouveau cette idée que la maîtresse de Pierre pouvait être Mme Bonaccorsi aussi bien que la baronne Ely. Il songea : « Une fois de plus, j’aurai été le cheval qui galope après son ombre… » Et regardant son ami, qui avait eu un second passage de rougeur sur ses joues pendant ce rapide examen, il lui demanda :

— « Est-elle nombreuse, la colonie Italienne d’ici ? »

— « Je ne connais que la marquise Bonaccorsi et son frère Navagero… Encore ce dernier est-il une espèce d’Anglais, plus Anglais que tous les Anglais de Cannes… »