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cette rivale mystérieuse qui avait tenu tant de place dans le passé de son mari. Elle y pensait trop souvent ! Mais comment en parler à Olivier sans qu’il pût croire qu’elle avait espionné son secret, fouillé volontairement dans ses papiers ? Et puis, que lui demander qu’elle ne devinât, après ce qu’elle savait à demi ? Elle s’était tue, en gardant au cœur la brûlure de cette anxieuse et mortelle curiosité. C’en était assez pour qu’en voyant la veille son mari sortir seul avec l’ami le plus intime de sa jeunesse, elle se dit : « Ils vont parler d’elle. » Qui donc avait pu recevoir les confidences d’Olivier, sinon Pierre Hautefeuille ? Était-il besoin d’une autre raison pour justifier une véritable antipathie ? Elle avait vu Olivier revenir bouleversé de cette promenade avec son ami. Elle s’était dit : « Ils ont parlé d’elle, » La nuit, elle l’avait entendu aller et venir dans sa chambre, elle s’était dit : « II pense à elle. » Et voilà pourquoi elle demeurait, devant la porte refermée maintenant, seule, le front sur la main, immobile, sentant son cœur battre à se rompre, et haïssant d’une réelle haine cet ami qui savait ce qu’elle ne savait pas, et devinant, à force de réflexion concentrée, une partie de la vérité. Qu’il eût mieux valu, et pour elle, et pour Olivier, et pour tous, qu’elle la sût dès lors tout entière !

Le cœur d’Olivier battait bien vite aussi, quand, après avoir frappé à la porte de Pierre, il entendit