passaient, Anglais pour la plupart, qui vaquaient à leur exercice d’après le breakfast et d’avant le lunch. Ils abordaient des jeunes femmes et des jeunes filles avec lesquelles ils avaient sans doute arrêté la veille cette rencontre matinale. D’autres se hâtaient vers la gare, pour ne pas manquer le train de Nice et de Monte-Carlo. Et tous et toutes donnaient par leur allure, par leur mise et par leurs façons, cette impression d’une vie très frivole, mais très amusée, qu’Olivier devait sentir avec d’autant plus d’intensité qu’il avait lui-même vécu cette vie autrefois. Des matins semblables s’évoquèrent devant sa pensée : c’était à Rome, il y avait juste deux ans. Oui. Le ciel était bleu de ce bleu-là. Par les couloirs des rues, soufflait la même brise fraîche dans le brûlant soleil. Les voitures et les promeneurs allaient de ce même train allègre, et lui, il était un de ces passants. Il gagnait quelque rendez-vous avec Ely, et sur la place d’Espagne il achetait des fleurs pour en garnir l’appartement où il devait la retrouver. Machinalement, par cette parodie de nous-mêmes où nous entraîne parfois le souvenir, il entra chez un fleuriste de cette rue d’Antibes, qui lui avait, pour une seconde, donné l’illusion du Corso Romain. Les roses, les œillets, les narcisses, les anémones, les mimosas, les violettes s’entassaient par gerbes sur le comptoir, glorieuse prodigalité de ce sol, qui, depuis Hyères jusqu’à San-Remo, n’est qu’un grand jardin épandu au bord de la mer, et le magasin était rempli
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