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— « Mais tu pleures ? … Qu’as-tu ? … »

— « Je t’aime, » lui répond-elle, « et ce sont des larmes de joie… »



Olivier Du Prat croyait se très bien connaître. C’était une de ses prétentions, et souvent justifiée. Par ce goût, cette manie presque de se regarder vivre, par son appétit des émotions et par son impuissance à se fixer jamais dans aucune, par son inefficace lucidité sur lui-même, et par sa complaisance aux penchants morbides, inquiets, inassouvis de sa propre nature, il était vraiment, comme il l’avait dit à Hautefeuille, un enfant de ce déclin du siècle. Il avait, de cet âge si profondément, si tragiquement troublé que nous traversons, le signe funeste, car c’est la marque infaillible de la décadence chez une race : il ne savait pas guérir. La force de la vie, pour un corps aussi bien que pour un esprit, pour un pays aussi bien que pour un homme, n’est pas dans l’absence de plaies. Elle se prouve par la capacité de refermer celles qui s’ouvrent. Cette capacité, Olivier en était si complètement dépourvu que même ses plus lointaines misères d’enfance, lorsqu’il y songeait de par delà les années, lui redevenaient présentes