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s’accouder à la fenêtre. Il regarda l’immense horizon, la sérénité de la nuit méridionale, les étoiles qui scintillaient sur le tendre velours bleu du ciel, l’or bruni de la lune dont le reflet caressait la mer, là-bas, mouvante et souple, les feux de la ville qui brillaient parmi les masses noires des jardins. La brise tiède roulait un arôme de fleurs de citronniers, languissant, troublant à en défaillir. Pour un amant, et qui avait un rendez-vous, quelle nuit divine ! Et quelle nuit divine encore pour un amoureux en train de rêver, le long des routes, à celle qu’il aimait ! … Pierre était-il cet amant ? Était-il allé à ce rendez-vous ? Était-il simplement cet amoureux et qui suivait son rêve dans la solitude parfumée des sentiers ? …Qu’en savoir ? …Olivîer se rappela l’Yvonne de Chésy avec laquelle il avait dansé. Il évoqua les Italiennes et les Américaines qu’il avait connues, pour composer une marquise Bonaccorsi et une Florence Marsh idéales. Vainement ! C’est vers Ely de Carlsberg, vers cette femme dont il savait les plus intimes beautés, vers cette maîtresse trop récente et encore trop présente, vers ces caresses dont il avait goûté les saveurs, que son imagination s’en alla toute, et il jeta ce soupir si triste dans cette nuit si pure : — « Ah ! si c’est elle qu’il aime, quel malheur ! Mon Dieu ! quel malheur

Il se perdit, ce soupir, dans la molle, dans la voluptueuse brise, et elle ne l’emporta pas vers