Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/273

Cette page n’a pas encore été corrigée

Aussi un tremblement passa-t-il dans sa voix pour répéter : « L’Autriche ? … » et il ajouta : « Elle était représentée par la baronne de Carslberg, que tu as rencontrée justement à Rome. Nous avons parlé de toi ensemble… »

— « En effet, » dit Olivier, « je l’ai rencontrée à Rome. » À son tour il avait hésité. À entendre ces syllabes tomber des lèvres de son ami dans le silence de ce bois, où passait la rumeur des pins, pareille à quelque appel d’une voix lointaine, son saisissement avait été si violent que son visage avait changé. Cette hésitation, ce changement de physionomie, la réponse même de Du Prat, tout aurait dû avertir Hautefeuille d’un mystère. Mais lui-même n’osait pas regarder son ami, qui, redevenu maître de ses nerfs, reprenait : « C’est vrai, l’archiduc a une villa à Cannes… Est-ce qu’elle vit avec lui maintenant ? »

— « Elle en était donc séparée ? » demanda Pierre.

— « Légalement, non ; réellement, oui, » répondit Olivier. Il était trop galant homme pour se permettre même la plus légère épigramme contre une femme dont il avait été l’amant. L’amère et profonde rancune qu’il lui gardait se manifesta par un étrange détour : ne pouvant pas, ne voulant pas dire du mal d’elle, il se prit à louer l’homme qu’elle détestait le plus au monde, son mari. « Pourquoi ne s’entendaient-ils pas ? » continua-t-il, « je ne l’ai jamais su, car elle est très intelligente, et lui est un homme de premier ordre. Il