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— « C’est le sourire Éginétique, n’est-ce pas ? » dit l’Américaine.

— « Les archéologues le nomment ainsi, » répondit le prince, « à cause des marbres du célèbre fronton. Pour moi, c’est le sourire Élyséen, l’extase qui doit flotter à jamais sur la bouche de ceux qui goûtent l’éternel bonheur, et les dieux et les déesses le révèlent à l’avance à leurs dévots… Rappelez-vous le vers d’Eschyle sur Hélène, mademoiselle. Ce sourire y tient tout entier : Âme sereine comme le calme des mers… »

Lorsque les trois femmes et Hautefeuille se retrouvèrent, au sortir de ce fantastique mariage et de cette plus fantastique visite, dans le landau qui les ramenait du côté du port, vers les trois heures de l’après-midi, tous les quatre se regardèrent avec un étonnement d’être de nouveau là, au milieu d’une rue pleine de peuple, entre des maisons au rez-de-chaussée desquelles s’ouvraient des boutiques, devant des murs décorés d’affiches, en plein tapage de la vie contemporaine.

C’est l’impression que l’on éprouve lorsqu’on vient d’assister à une représentation de jour, et qu’on se réveille sur le trottoir, à la clarté du soleil. Cette hallucination du théâtre, subie deux heures durant sous la flamme du gaz, vous rend presque douloureux le sursaut du retour à la vie réelle. Andriana fut la première à exprimer tout haut cette sensation déconcertante :

— « Si je n’avais pas là l’épithalame de cet