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éminée, pour suffire aux folies que l’héritier faisait à Paris ! Ce n’étaient pas davantage les compagnons de ces folies, les Casal, les Vardes, les Machault, tous les grands viveurs de l’époque. Ils avaient bien reconnu la sensualité du Méridional et sa vanité, mais non pas sa finesse, et ils s’étaient trompés, en le rangeant, une fois pour toutes, dans la classe des provinciaux destinés à disparaître après avoir brillé d’un feu de météore sur le firmament Parisien. Ni les uns ni les autres n’avaient diagnostiqué dans ce joyeux compagnon, gourmand de toutes les gourmandises, toujours prêt à un souper ou à une partie de jeu, à un duel ou à une aventure de galanterie, le philosophe pratique et positif qui devait, à l’heure voulue, changer lestement son fusil d’épaule. Or cette heure avait sonné depuis plusieurs mois déjà : des six cent mille francs laissés par son père, à peine s’il en restait quarante mille à Marius, et le souple Méridional avait commencé, dès cet hiver, à travailler le programme de sa trente-deuxième année : un beau mariage. L’originalité de ce projet résidait dans les données particulières qu’il s’était fixées, avec une précision digne d’une agence. Il avait reconnu d’abord que, même enrichi par la dot la plus inespérée, il n’aurait jamais de vraie situation à Paris. Un échec à un club élégant, en dépit d’un parrainage savamment choisi, avait achevé de lui montrer quelle différence sépare la camaraderie de cabaret et la réelle solidarité mondaine. Deux ou trois visites à Nice, en revanche, très accueillies,