Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/230

Cette page n’a pas encore été corrigée

celui d’Hauteféuille, « vous moquerez-vous toujours de la chiromancie et de ma ligne de chance ? J’aurai eu avec moi dans mon cortège de noces la baronne Ely ! Est-ce une chance, cela ? Et en est-ce une autre, qu’elle ait eu pour la divertir durant cette corvée un original comme notre hôte ? »

— « Ce n’est pas une corvée, » répondit la baronne en riant ; « mais c’est bien vrai que vous avez de la chance d’épouser Andriana. Elle est bien belle aujourd’hui, et elle vous adore ! … Et c’est vrai aussi que le prince ne ressemble à personne. Cela réchauffe de trouver cette chaleur d’enthousiasme dans un homme de cet âge. Quand ces Italiens partent pour une idée, ils l’aiment comme ils aimeraient une femme, passionnément, dévotement… Ils ont refait leur pays avec ces ferveurs-là… »

— « Vous ne pouvez pas comprendre cela, » disait miss Marsh à Hautefeuille, « vous qui êtes d’un vîeux pays… Mais pour moi qui suis d’une ville à peine plus âgée que moi-même, c’est un ravissement que ces visites dans des palais comme celui-ci où tout parle d’un très ancien passé. »

— « Hélas ! mademoiselle, » répondait Hautefeuille, « il y a quelque chose de plus pénible que d’habiter un pays trop neuf, c’est d’en habiter un qui veut se faire neuf à tout prix, quand il était plein de ces reliques du passé, d’un glorieux passé, un pays où l’on s’acharne à tout détruire !