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vers le palais Génois ou les attendait Corancez. La voiture allait, escaladant les rues étroites, passant devant les façades peintes des antiques maisons dont les colonnades en marbre attestent partout dans cette ville la fastueuse opulence de ses commerçants, demi-grands seigneurs, demi-pirates. Et c’était dans ces rues, dans ces couloirs plutôt qui dévalaient, qui dégringolaient vers le port, sous le pavoisement d’innombrables haillons multicolores, pendus à des cordes, accrochés à des volets, tendus à des balcons, un grouillement de tout un peuple alerte, crieur, gesticulateur. Quoique la bise fût âpre maintenant, les trois femmes avaient voulu que la voiture restât ouverte, afin de jouir de cette foule, de ces façades effritées et splendides, du pittoresque des costumes. Quand miss Marsh eut dit à la marquise sa phrase d’encouragement, celle-ci eut un sourire ému encore, mais heureux, et elle répondit :

— « C’est vrai, je n’ai plus peur, et je commence à croire que je ne rêve pas… Si l’on m’avait dit pourtant qu’un jour, je passerais avec vous trois sur la Piazza delle Fontane Morose, et pour aller faire ce que je vais faire ? … Ah ! Jésus, Maria ! voici Corancez ! Comme il est imprudent ! … »

C’était bien le Provençal qui se tenait à l’angle formé parla célèbre place et par cette antique Via &Çuova, aujourd’hui Via Garibaldi, où l’élève de Michel-Ange, Galéas Alessi, a dressé l’un après l’autre les palais Cambiaso, Serra, Spinola,