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Il était quatre heures du matin, quand Pierre Hautefeuille se retrouva dans sa cabine, après la veillée extatique de cette inoubliable nuit. Il éprouvait, non pas cette tristesse après le plaisir, dont parle un proverbe trop souvent cité, mais cette exaltation presque grave, cette ardeur de joie attendrie qui est la gratitude enivrée de l’absolu bonheur, et le signe le plus sûr pour une femme qu’elle est véritablement aimée. En vain essaya-t-il de dormir. Une vibration de félicité le tenait éveillé, comme si son être intime avait eu peur de perdre dans le sommeil la conscience de cette réalité si complètement égale à son rêve, si exaltante, si passionnée qu’elle déconcertait presque sa raison. Quand la première aube du jour blanchit la vitre du hublot, il se leva et il monta sur le pont. Dickie Marsh y était déjà, qui regardait le ciel et l’eau avec l’attention d’un vieux marin :

— « Pour un Français, vous m’étonnez, » dit-il au jeune homme, « J’en ai promené beaucoup sur la Jenny. Vous êtes le premier que je vois levé à l’heure qui est pourtant la plus agréable en mer… Respirez cette brise qui vient du large.