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bien en règle avec ses principes d’hygiène physique. « À Marionville, » disait-il souvent, « c’est bien commode : les paquets de maisons, les blocks, ont chacun un demi-mille, exactement. Quand vous en avez franchi huit, vous savez que vous avez marché quatre milles. Votre constitutional walk est fait… » D’ordinaire, pendant qu’il vaquait ainsi au noble devoir de l’exercice, Marsh se taisait. Comme la plupart des grands hommes d’affaires de son pays, ce réaliste était un imaginatif effréné, sans cesse en train de construire et de défaire quelque combinaison destinée à le promouvoir à la dignité mondiale de billionnaire. C’était sa manière de se reposer, et ses rêves de dollars le rendaient muet comme un fumeur d’opium. Ely, qui savait cette particularité, comptait bien, en marchant avec le potentat de Marionville, qu’ils n’échangeraient pas ensemble dix paroles. Elle pensait que cette promenade toute mécanique détendrait ses nerfs trop vibrants. Ils cheminèrent ainsi pendant dix minutes sans échanger un mot ; après quoi Dickie Marsh qui paraissait plus préoccupé qu’à l’ordinaire, demanda subitement à Mme de Carlsberg :

— « Est-ce que Chésy vous parle quelquefois de ses affaires ? »

— « Quelquefois, » répondit la jeune femme, « comme à tout le monde. Vous savez bien qu’il a la manie de se croire de première force à la Bourse et qu’il le raconte volontiers… »

— « Vous a-t-il dit, » continua Marsh, « qu’il