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gai que devant une vilenie bien démontrée, bien étalée. Qu’il m’a fait souffrir, avec cette disposition d’esprit ! Et c’était l’homme le plus délicat, le cœur le plus tendre, l’intelligence la plus haute… Pouvez-vous expliquer cela ? »

Ce nom d’Olivier prononcé de la sorte et par cette même voix qui remuait le cœur d’Ely jusqu’au fond, — quelle réponse au soupir poussé par la femme amoureuse, à ce passionné souhait que cette divine minute ne lui fût pas gâtée ! Cette simple phrase était à peine tombée des lèvres de Pierre, et l’enchantement se dissipait. Ely venait de sentir une douleur se mêler à sa joie, si aiguë qu’elle en aurait crié. Elle n’en était qu’aux tout premiers débuts de son roman d’amour, et ce que lui avait prédit Louise Brion, sa trop lucide conseillère, se réalisait aussitôt : elle était enfermée dans l’étrange enfer du silence qui a mal, si mal, et qui doit se refuser, comme le plus terrible des dangers, le soulagement de la confession. Que de fois déjà, dans des instants pareils, un rappel semblable avait soudain évoqué entre elle et Pierre cette image de l’ancienne liaison ! Tantôt Pierre avait gaiement, légèrement nommé au passage son meilleur ami, et comme la baronne avait cru plus prudent de lui dire qu’elle l’avait rencontré à Rome, il se laissait aller à se souvenir de lui tout haut. Il ne se doutait pas que chacune de ses paroles enfonçait un couteau dans le cœur de la pauvre femme. À constater combien Hautefeuille chérissait Du Prat, — d’une amitié égale à celle