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descendit de la dunette ; « nous avons frôlé l’Albatros à deux mètres près… Il s’en est fallu d’un rien qu’il n’y eût un malheur… »

— « J’étais très sûr de mon bateau, » répondit simplement Marsh. « Mais je n’aurais pas fait cela avec Bohun. Vous avez vu à quelle distance je suis resté de lui. Il m’aurait coupé le yacht en deux… Quand les Anglais se voient sur le point d’être battus, l’amour-propre les rend fous, et il n’y a rien dont ils ne soient capables… »

— « C’est justement ce qu’ils disent des Américains, » repartit gaiement Yvonne de Chésy. La jolie Parisienne était probablement la seule personne à laquelle le maître de la Jenny permît une plaisanterie de ce genre. Corancez avait dit vrai dans son diagnostic : quand la malicieuse vicomtesse parlait, Marsh voyait sa fille. Il ne se fâcha donc point de cette épigramme contre son pays, lui si naïvement susceptible, quand on semblait douter qu’une chose quelconque d’Amérique ne fut pas la plus grande du monde : — « the greatest in the world. »

— « Vous allez encore attaquer mes pauvres compatriotes, » dit-il. « C’est bien ingrat. Tous ceux que je connais sont amoureux de vous… »

— « Allons, commodore, » répondit la jeune femme, « ne travaillez pas dans le madrigal. Ce n’est pas votre genre, à vous, ces douceurs… Conduisez-nous plutôt prendre le thé, qui doit être servi, n’est-ce pas, Gontran ? … »

— « Ils sont étonnants ! » dit miss Marsh, à