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Quinze jours s’étaient écoulés depuis que Mme de Carlsberg avait la première, malgré ses promesses, malgré ses résolutions, malgré ses remords, malgré sa certitude d’une catastrophe prochaine, avoué à Pierre Hautefeuille la passion qu’elle éprouvait pour lui. La date fixée pour la croisière de là Jenny était arrivée. Tous les deux, ils se trouvaient debout l’un à côté de l’autre sur le pont de ce yacht qui emmenait aussi la marquise Bonaccorsi, en route pour son fantastique mariage, miss Marsh, sa confidente, enfin la jolie Mme de Chésy et son mari, pour occuper le « commodore » . — C’était le surnom plaisamment donné par la nièce à son oncle, et justifié : car l’infatigable Richard Carlyle Marsh ne quittait guère la dunette, d’où il dirigeait la manœuvre avec l’entente d’un marin professionnel. Pour le potentat de Marionville, être dans une voiture et ne pas la conduire, soi-même, — croiser sur un yacht et ne pas le gouverner, soi-même, — autant n’avoir ni voiture ni yacht. Il disait, et ce n’était pas une vantardise :

— « Si je me ruinais demain, j’aurais vingt moyens de refaire fortune, et, d’abord, de gagner