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été vue, cet achat du bijou que vous veniez de vendre. Un des témoins vous a rapporté cette action, je le sais, et ce que vous en pensez, je le devine. Je ne vous demande pas de me pardonner mon indiscrétion. J’aurais dû en sentir la portée tout de suite… Et puis, je n’ai pas réfléchi. J’ai vu le marchand prendre cet étui dont vous vous étiez servie devant moi… L’idée que cet objet, associé pour moi à votre image, se trouverait, le lendemain, dans une boutique de cet affreux endroit, qu’il appartiendrait peut-être à une de ces horribles femmes, comme celles que j’avais frôlées autour de ces tables, oui, cette idée a été plus forte que la prudence, plus forte que mon devoir de réserve à votre égard… Vous voyez. Je n’essaie même pas de me justifier. Mais peut-être ai-je le droit de vous demander de me croire, quand je vous affirme, quand je vous jure que, même dans cette étourderie, même dans cette indiscrétion, il y avait encore du respect pour vous… »

— « Je n’ai jamais douté de votre délicatesse, » dit Mme de Carslberg. Elle venait d’être remuée par cette naïve supplication. Elle en avait senti si vivement la jeunesse et la tendresse, par contraste avec les allures brutales que le prince s’était permises un quart d’heure auparavant, à cette même place ! Et puis, comme elle avait tout de suite reconnu la main de Louise Brion dans l’envoi de la lettre anonyme, cette preuve secrète d’amitié aussi l’avait touchée, et elle essaya de remettre la