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n’osaient regarder Mme de Carlsberg qui avait rendu au prince, en sa présence, regard pour regard, défi pour défi, et qui maintenant tremblait de colère sous l’affront que son mari lui avait fait subir en se conduisant de la sorte devant ses invités. Florence Marsh, penchée sur une table, affectait de chercher ses gants, un mouchoir, son flacon de sels, afin de cacher l’expression de son visage. Quant à Hautefeuille, il ne connaissait les dessous de cette société que par les indiscrétions savamment dosées de Corancez. Il ignorait les vraies relations de Marcel Verdier et de l’Américaine, et il n’eût pas été un amoureux s’il n’eût pas rapporté cette algarade du prince à l’idée fixe dont il était possédé. Sans doute, l’espionnage avait fait son œuvre : l’archiduc savait son indiscrétion de l’avant-veille. Pour quelle part cette indiscrétion entrait-elle dans la farouche humeur du mari de Mme de Carlsberg, le jeune homme n’aurait pu le dire. Une seule chose était certaine pour lui, depuis qu’il avait rencontré le terrible regard du prince : sa présence était odieuse à cet homme. Et d’où pouvait venir cette aversion, si ce n’est de rapports, hélas ! trop mérités ? Ah ! demanderait-il jamais assez pardon à la femme qu’il aimait d’avoir été pour elle le principe de nouveaux ennuis parmi ses ennuis ? Cependant le silence venait d’être rompu par Mme de Chésy, qui avait regardé sa montre et embrassé la baronne en lui disant :

— « Je serai en retard pour le train. Je dîne encore à Monte-Carlo, ce soir… Mais, après le