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d’argent qu’il est trop dur d’avoir acceptés quand le bienfaiteur en abuse… Verdier regardait toujours l’archiduc. Un chien battu injustement jette de ces regards sur son maître : va-t-il lui sauter à la gorge ? va-t-il lui obéir ? Mais le jeune homme connaissait trop le prince pour lui tenir tête en ce moment. Il appréhenda de déchaîner la colère de ce forcené et qu’un éclat d’injurieuse insolence rejaillît sur Florence Marsh. Peut-être aussi estimait-il que son rôle de salarié et d’obligé ne comportait qu’une dignité : faire ressortir, à force de stricte correction, l’inqualifiable dureté du maître. Après quelques secondes de cette douloureuse hésitation, il répondit : — « Je viens, monseigneur… » Et prenant la main de miss Marsh, pour la première fois il osa y mettre un baiser, en disant : — « Vous m’excuserez, mademoiselle, de vous quitter ainsi, mais j’espère aller vous rendre mes devoirs bientôt… Mesdames, monsieur… » Et il suivit son redoutable patron, lequel était sorti aussi brusquement qu’il était entré, quand il avait vu Verdier porter à ses lèvres la main de miss Marsh.

Le silence régnait dans le salon maintenant, parmi toutes ces personnes demeurées debout, — un de ces silences comme il s’en produit dans le monde, après une scène par trop contraire aux plus simples convenances et que les assistants ne peuvent se permettre de juger tout haut. Ni Mme Brion, ni Mme Bonaccorsi, ni Mme de Chésy