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début d’entretien par trop difficile et pénible si la légère Parisienne n’eût continué son joli babil d’oiseau moqueur :

— « Vous, je ne devrais plus vous connaître ! » dit-elle à Pierre Hautefeuille. « Voilà huit jours, » ajouta-t-elle en se tournant vers Mme de Carlsberg, « tenez, depuis que j’ai dîné chez vous à côté de lui, la veille de votre départ… Oui, voilà huit jours qu’il a disparu… Et je n’ai pas écrit à sa sœur qui pourtant me l’a confié… Car Marie vous a confié à moi, c’est positif, et non pas à ces demoiselles de Nice et de Monte-Carlo ! … »

— « Mais je n’ai pas quitté Cannes de la semaine, » répondit Pierre qui rougissait malgré lui. La petite phrase dite par Mme de Chésy soulignait trop la coïncidence significative entre sa disparition et l’éloignement de Mme de Carlsberg.

— « Et que fàisiez-vous, pas plus tard qu’hier, à la table de trente-et-quarante ? … » demanda railleusement la jeune femme. « Si la grande sœur savait cela, elle qui croit son frère en train de se soigner sagement au soleil ? »

— « Ne le tourmentez pas, » interrompit Mme Bonaccorsi, « c’est nous qui l’avons ramené… »

— « Mais revenons à votre aventure. Vous n’avez pas fini de nous la raconter ? … » reprit Mme de Carlsberg. Les innocentes taquineries de Mme de Chésy lut avaient déplu, à cause du trouble infligé à Hautefeuille. Depuis qu’il était là, vivant et respirant, dans ce petit salon, elle aussi elle éprouvait cette sensation de la présence