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de ce Casino, des grands seigneurs dont les aïeux avaient servi ou trahi les leurs ; et ces grands seigneurs coudoyaient des fils de bourgeois, habillés comme eux, nourris comme eux, amusés comme eux ; et ces bourgeois frôlaient des artistes célèbres : ici le plus illustre de nos peintres de portraits, là un chanteur à la mode, là un écrivain fameux, tandis que des femmes du monde se mêlaient à cette cohue, dans des toilettes qui rivalisaient de tapage et d’éclat avec celles des demi-mondaines. L’heure avançait, et d’autres hommes arrivaient sans cesse, et d’autres femmes du monde, et d’autres femmes du demi-monde, et des filles, — des filles surtout. Il en dévalait par la porte du fond, encore et encore, et de toutes les catégories, depuis la créature aux yeux affamés dans un visage de crime, en chasse d’un joueur heureux qu’elle videra d’un peu de son gain et de sa substance, — comme l’araignée vide la mouche, — jusqu’à l’insolente et triomphante mangeuse de fortunes qui hasarde des vingt-cinq louis sur un coup de roulette et porte aux oreilles des diamants de trente mille francs.

Ces contrastes se fixaient par places en quelques tableaux plus significatifs et plus saisissants. Entre deux de ces vendeuses d’amour, par exemple, à la peau pétrie de céruse et de fard, aux yeux immondes de luxure et de lucre, une jeune femme, presque une entant, mariée de la veille et venue à Nice au cours de son voyage de noces, avançait un joli et frais visage qu’une innocente