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sa piété voulut voir un secours providentiel, vint lui fournir un prétexte inespéré pour insister, non plus auprès du jeune homme et de loin, mais auprès de Mme de Carlsberg elle-même et sans retard. En parcourant au lit, et d’un œil distrait, un de ces journaux de la Rivièra, moniteurs du snobisme international qui renseignent les uns sur les autres tous les errants de la haute vie, elle avait rencontré, à la colonne des « déplacements », parmi les noms rangés sous la rubrique : Arrivées au Caire, ceux de M. Olivier Du Prat, secrétaire d’ambassade, et de sa femme, et elle s’était levée aussitôt pour montrer à Ely cette ligne d’un avis mondain, si insignifiante, si chargée, pour les deux amies, de redoutables menaces :

— « S’il est au Caire, » avait-elle.dit à la baronne, « c’est que son voyage sur le Nil est fini, et qu’il pense au retour. Quel est son chemin naturel ? D’Alexandrie à Marseille… Et à Marseille, si près de Cannes, il voudra revoir Hautefeuille. »

— « C’est vrai, » avait répondu Ely, après avoir regardé de ses yeux les lettres de ce nom : Olivier Du Prat qui lui avaient donné un horrible battement de cœur, et elle avait répété : « C’est vrai. Ils se reverront… »

— « Avais-je raison hier ? » reprit Louise Brion. « Vois où tu en serais si tu n’avais pas eu jusqu’ici la force de résister à ton sentiment ? Vois où tu en seras demain, si tu n’en finis pas pour toujours… » Et elle avait continué, développant,