Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/128

Cette page n’a pas encore été corrigée

Marsh : « votre flirt », donnait un corps à ces hypothèses. Pierre avait toujours tant méprisé les choses que ce mot sous-entend, cette familiarité flétrissante de la femme avec l’homme, ce frôlement de la beauté de l’une par le désir de l’autre, la camaraderie indiscrète et le mauvais ton de cette équivoque approche. Avait-on pu croire que ses relations avec Mme de Carlsberg étaient de cet ordre ? Son manque de réserve avait-il été si mal interprété ? … Il pensait alors aux chagrins qu’il devinait dans la vie de cette créature, pour lui unique ici-bas, à l’espionnage qui entourait ses moindres gestes. De nouveau la salle de Monte-Carlo lui apparaissait, et sa démarche, à lui, dont il ne comprenait pas maintenant qu’il n’en eût pas senti la prodigieuse indélicatesse. Il la sentait avec une intensité aiguë jusqu’à la douleur. Que devint-il, lorsque au retour de cette promenade ainsi poussée pendant des heures et des heures et parmi ces idées, il se retrouva devant la porte de son hôtel, au crépuscule, — un crépuscule soudain du Midi, noir et glacé après des journées douces et bleues comme en été, — et le concierge lui remit une lettre sur l’enveloppe de laquelle il reconnut l’écriture de la baronne Ely… Ses mains tremblaient en déchirant l’enveloppe. Un cachet la fermait, à l’empreinte d’une pierre antique, représentant une tête de Méduse : c’était le chaton d’une bague achetée en Italie et que la jeune femme portait d’habitude au doigt. Et réellement, la tête de la légende