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il pense à sa fille morte. Si la petite Chésy lui demandait le Kohinoor, il prendrait la mer pour aller le lui chercher, rien qu’à cause de cette ressemblance… Est-ce assez singulier, tout de même, ce coin bébête, vieux jeu, troubadour, dessus de pendule, tableau à la Greuze, dans un gaillard de cette carrure ? … Ce caractère doit te plaire, à toi, l’homme du bleu. S’il t’intéresse, tu pourras l’étudier tout à loisir, le 13, le 14 et le 15… Et encore merci de ce que tu vas faire pour moi. Si tu as quelque chose à me communiquer, voici mon adresse : Gênes, poste restante… Et maintenant, il faut que je rentre veiller aux derniers emballages… Tu ne veux pas que je te jette quelque part ? Justement, j’aperçois l’Aîné, mon cocher. Je lui avais donné rendez-vous ici vers onze heures… »

Corancez avait hélé, tout en disant ces mots, un panier qui passait à vide, attelé de petits chevaux sardes, dont les sonnailles tintamarraient. Un personnage les conduisait qui salua le jeune homme d’un clignement d’œil narquois, tandis que son : « Té ! bonjour, monsieur Marius ! » attestait la familiarité de longues causeries entre les deux Provençaux. Pascal Espérandieu, dit l’Aîné, était un petit homme alerte et futé, qui mettait tout son amour-propre à faire trotter les deux rats de son attelage plus vite que les chevaux russes des grands-ducs établis à Cannes. Il les harnachait, les pomponnait, les fleurissait avec une fantaisie qui arrachait à toutes les compatriotes