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les natures comme la sienne, faites pour l’action et la réalité : avec son aplomb habituel, il les commentait tous, depuis les piques et les fusils de l’entrepont, destinés aux pirates des mers de Chine, jusqu’au système pour remplir et vider les baignoires ; et à un moment, il posa cette question bien singulière à formuler dans un coin de ce colossal bibelot de mer où se résumait la somme entière des inventions destinées à raffiner la vie :

— « Miss Flossie, est-ce que nous ne pourrons pas voir la chambre de la morte ? »

— « Si cela intéresse monsieur Hauteteuille ? … » dit Florence Marsh, qui, depuis le commencement de cette visite, n’avait pas cessé de regretter son étourderie. « Mon oncle avait une fille unique, » continua-t-elle, « qui s’appelait Marion, comme ma pauvre tante… Vous savez que c’est à cause de sa femme que M. Marsh, devenu veuf tout jeune, a nommé sa ville Marionville ? … Ma cousine est morte, voici quatre ans. Mon oncle a été comme fou. Il a voulu que rien ne fût changé dans la pièce qu’elle occupait à bord du yacht. Il y a fait mettre sa statue, et elle a toujours autour d’elle les fleurs qu’elle aimait vivante… Tenez, regardez, mais sans entrer… »

Elle venait d’ouvrir une porte, et les deux jeunes gens aperçurent, à la lueur de deux lampes voilées de globes bleuâtres, une chambre entièrement tendue d’une étoffe couleur de rose, — d’un rose éteint, comme passé. Une profusion de menus