Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/117

Cette page n’a pas encore été corrigée

Hautefeuille, assis devant la table du trente-et-quarante. Ce Napoléon de l’Ohio s’interrompit pour saluer les visiteurs :

— « Impossible de vous accompagner, messieurs, » leur dit-il : « Flossie vous montrera le bateau. Tandis que vous vous promenez, » ajouta-t-il, avec cet air de défi tranquille par lequel tout vrai Yankee manifeste son mépris pour le vieux monde, « nous vous préparons de beaux voyages. Mais vous autres, Français, vous êtes si bien chez vous que vous ne bougez guère… Connaissez-vous seulement notre région des lacs ? Tenez, voici la carte. Nous avons là, rien que sur le Supérieur, le Michigan, le Huron et l’Érié, soixante mille navires, d’un tonnage de trente deux millions de tonneaux. Ils transportent par an pour trois milliards et demi de marchandises. Il s’agit de mettre cette flotte et les villes qu’elle dessert : Duluth, Milwaukee, Chicago, Détroit, Cleveland, Buffalo, Marionville, en communication directe avec l’Europe… Les lacs vont se jeter à la mer par le Saint-Laurent. C’est la voie à suivre, n’est-ce pas ? Malheureusement, nous avons un petit barrage à sauter en sortant du lac Érié ; une fois et demie la hauteur de l’Arc de l’Étoile à Paris : c’est le Niagara. Et puis il y a les rapides du fleuve à l’issue du lac Ontario. On a bien creusé sept ou huit canaux à écluses qui permettent la montée ou la descente aux petits bateaux. Nous voulons, nous, ce passage libre pour n’importe quel transatlantique… Voilà monsieur qui est en train de