Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/103

Cette page n’a pas encore été corrigée

Il l’est trop. Surtout il a trop de haine pour les inventions nouvelles. Il les déteste autant que les Anglais et les Américains les aiment. Toi, par exemple, c’est un hasard, j’en suis sûr, qui t’a fait descendre dans cet hôtel ultra-moderne. Au fond, tu en abomines le luxe et le confort ? … »

— « Tu appelles cela du luxe ? » interrompit Hautefeuille en montrant le mobilier de la chambre, trop neuf et faussement Anglais. Puis, haussant les épaules : « Mais il y a du vrai dans ce que tu dis. Je n’aime pas à compliquer ma vie… »

— « Je connais cette école, » répliqua Corancez : « tu es pour l’escalier contre l’ascenseur, pour les feux de bois contre le calorifère, pour la lampe à l’huile contre l’électricité, pour la poste contre le téléphone. C’est la vieille France. Mon père en était. Moi, j’appartiens au nouveau jeu. Jamais assez de tuyaux d’eau chaude et d’eau froide ! Jamais assez de fils télégraphiques et téléphoniques ! Jamais assez de machines pour nous éviter un geste, un petit geste ! … Ils ont un défaut pourtant, ces hôtels nouveaux : les murs y ont juste l’épaisseur d’une feuille de papier. Or, comme j’ai à te parler un peu sérieusement, et peut-être un vrai service à te demander, nous allons sortir, si tu permets. Nous irons à pied jusqu’au port, où Marsh nous attend à la demie de dix heures. Cela te va ? Nous tuerons le temps en prenant par le plus long… »