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prononcer un : « Entrez ! » à la suite duquel l’élégante et joviale silhouette de Corancez se dessina dans l’entrebâillement de la porte ; et, avec ce rien d’accent, que ni Paris ni les salons princiers de Cannes n’avaient pu corriger tout à fait, le Méridional commençait :

— « Quel pays, tout de même, que mon pays ! Quelle matinée ! Quel air ! Quel soleil ! … Ils ont des fourrures là-bas, eux, les gens du Nord, et nous, tu vois ! … » Il montra son veston, qu’il portait sans pardessus. Puis, aussitôt, l’œil pris par les objets, et pensant tout haut : « Je n’étais jamais monté jusqu’à ton phare. Quelle vue ! Comme la ligne de l’Esterel s’allonge en un beau grand cap, et quelle mer ! Un satin mouvant ! … Tu serais divinement ici, avec un peu plus de place. Tu n’es pas gêné de n’avoir qu’une chambre ? … »

— « Pas le moins du monde, » fit Hautefeuille « et j’ai si peu de choses avec moi, à peine quelques livres… »

— « C’est vrai, » répondit Corancez : il inventoriait d’un regard l’étroite pièce à laquelle la modeste trousse déployée sur la commode donnait la physionomie d’un campement d’officier. « Tu n’as pas la folie de l’objet. Si tu voyais le nécessaire ridiculement complet que je traîne après moi, sans compter une pleine malle de bibelots ! … Mais j’ai été corrompu par les étrangers. Toi, tu es resté le vrai Français. On ne dira jamais assez combien ce peuple est simple, sobre, économe.