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grâce jeune sur le fond doré du taillis. Certaines situations fausses ont en elles, quand elles se prolongent, une telle force d’accoutumance que le souvenir de Nortier, de l’homme dont Béatrice portait le nom et par qui sa dot serait payée, par qui avaient été payés, après tout, et ce château apparu là-bas, tout au fond, et ce taillis, et ces allées, ne traversa même pas leur pensée. C’était une si chaude caresse pour leurs regards que le groupe formé par leur fille et par celui qu’ils souhaitaient de lui voir épouser ! Eussent-ils pu imaginer, dans leurs vœux les plus chimériques, un couple plus heureusement, plus romanesquement apparié : — lui, Gabriel, un cavalier de vingt-neuf ans, à la démarche à la fois souple et ferme, à la physionomie tout ensemble délicate et virile, avec un éclat de loyauté dans ses yeux bleus, et aux joues cette fleur de teint qui révèle un sang jeune, chaud et pur ; — elle, Béatrice, si fine dans la robe beige qui moulait sa taille mince, sans autres ornements qu’un peu de velours sombre aux poignets et au col ; et cette simplicité, qui contrastait avec la complication de la mise de sa mère, faisait un vivant commentaire