Il faut étudier en son détail le merveilleux morceau intitulé le Vent froid de la nuit, avec ce finale d’une poignante éloquence :
Encore une torture, encore un battement,
Puis rien. La terre s’ouvre, un peu de chair y tombe,
Et l’herbe de l’oubli, cachant bientôt la tombe,
Sur tant de vanité croît éternellement[1].
Et ailleurs, se représentant notre globe tel que
les inductions scientifiques nous prédisent qu’il
sera un jour, dépourvu d’atmosphère, privé d’eau,
dépouillé de végétation, vide d’habitants, —
cadavre d’astre pareil à la froide lune, — avec
quelle ardeur désespérée il jette ce sanglot :
Vertu, douleur, pensée, espérance, remords,
Amour qui traversais l’univers d’un coup d’aile,
Qu’êtes-vous devenus ? L’Âme, qu’a-t-on fait d’elle ?
Qu’a-t-on fait de l’esprit silencieux des morts[2]?
Le poète gémit ainsi ; mais ce gémissement
autorise-t-il l’observateur des esprits à le classer
dans la troupe des pessimistes, c’est-à-dire de
ceux qui soupirent vers le gouffre noir du néant ?
C’est ici le cas de marquer une contradiction
singulière de l’âme poétique. Cette âme, qui pos-