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ces étapes, l’auteur des Poèmes antiques est sorti de la vie pour entrer dans la froide rhétorique, lui qui a célébré la nostalgie de cette Psyché dans ces vers si tendres :

Sombre douleur de l’homme, ô voix triste et profonde,
Plus forte que les bruits innombrables du monde,
Cri de l’Âme, sanglot du Cœur supplicié.
Qui t’entend sans frémir d’amour et de pitié[1] ?

La seconde idée que M. Leconte de Lisle a empruntée à la science et qui se développe dans ses poèmes parallèlement à la première, est celle de l’unité des espèces de la nature. Celle-ci encore lui a permis de satisfaire, d’une part, son goût des ensembles, et de l’autre, sa faculté de vision évocatrice. Il est curieux de constater que cette même hypothèse a servi de point de départ à Balzac pour sa Comédie humaine : « Il n’y a qu’un animal, disait le romancier dans Préface générale ; le Créateur s’est servi d’un seul et même patron pour tous les êtres organisés. L’animal est un principe qui prend sa forme extérieure, ou, pour parler plus exactement, les différences de sa forme, dans le milieu où il est

  1. Poèmes antiques.