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méditerranéen, les rivages des îles entourés par cette mer si bleue qu’on dirait du saphir en fusion, les plaines blanchissantes d’oliviers, la douceur de vivre éparse dans l’air léger, et il a senti l’accord entier de l’homme et de la nature :

Sous le ciel jeune et frais, qui rayonne le mieux
De la Sicilienne au doux rire, aux longs yeux,
Ou de l’aube qui sort de l’écume marine ?
Qui le dira ? Qui sait, ô Lumière, ô Beauté,
Si vous ne tombez pas du même astre enchanté
Par qui tout aime et s’illumine[1]?

Voilà le profond sentiment d’harmonie qui a soulevé l’âme grecque vers une théologie d’un naturalisme heureux. Les Dieux défilent sur les plages lumineuses, jeunes et nobles comme aux jours d’Homère : le poète n’a pas besoin des livres des commentateurs pour comprendre, pour prier Zeus et Aphrodita, Iakkhos et Apollôn. Et comment ne croirait-il pas à la vérité de ces Dieux, puisqu’ils correspondent intimement à un désir si mutilé, mais si indestructible de l’âme moderne, celui de contempler le travail de la vie sous une forme de Beauté ? Notre âge vieilli n’a-t-il pas fait de chaque fonction de ce travail une

  1. Poèmes antiques.