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rien en soi que d’abolir la conscience de son pauvre atome. C’est de là qu’est issu le bouddhisme, et le poète se retrouve bouddhiste à son tour pendant un éclair. Mais n’y a-t-il pas dans cette foi, apaisante et libératrice, de quoi satisfaire le cœur d’un des derniers venus de la race aryenne aussi bien que des antiques aïeux ? Ce n’est pas seulement par la production des formes que la nature peut écraser l’âme. N’y a-t-il pas une effrayante production des idées, une Inde aussi de la pensée, aux végétations multiples et monstrueuses, et l’effréné déploiement de la vie intellectuelle dans le domaine des systèmes, des arts et des rêves, ne peut-il pas produire sur un esprit moderne cette sensation d’accablement et d’impuissance finale que le paysage des bords du Gange infligeait aux fidèles de Çakya-Mouni ? Un bouddhiste sommeille, caché dans toute âme de civilisé trop assiégé d’idées, et M. Leconte de Lisle n’a eu qu’à laisser parler ce bouddhiste en lui pour célébrer avec sincérité « les inertes délices », et l’affranchissement par la renonciation. — De même, il ne lui a pas fallu un effort factice pour se retrouver païen avec les fidèles de l’Olympe hellénique. Son imagination voyageuse a évoqué l’azur clair du ciel