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qu’il domine l’effort de renaissance poétique du Parnasse contemporain, — renaissance où se trouvèrent mêlés tant de poètes divers, depuis M. Sully Prudhomme jusqu’à M. François Coppée. Il semble qu’un tel poète devrait occuper devant l’opinion de notre pays une place unique, analogue à celle que nos voisins d’outre-Manche ont faite à M. Swinburne. Mais l’esprit français, qui subit en cela l’inévitable rançon de ses qualités, n’arrive guère à la sensation de la vraie poésie, à moins d’y être entraîné par des raisons étrangères à l’essence même du principe poétique. Si Hugo et Lamartine furent populaires dès leur début, c’est que le caractère religieux de leur première inspiration correspondait bien au néo-catholicisme d’alors. Si Alfred de Musset, malgré son indifférence politique, se trouve avoir conquis une telle vogue, c’est que le poète chez lui se double d’un orateur ; son éloquence a sauvé sa poésie. M. Leconte de Lisle, lui, a composé une œuvre où la poésie n’est mélangée d’aucun alliage, et qui ne saurait être comprise et sentie que par les lecteurs qui aiment la Beauté pour la Beauté. Aussi n’a-t-il pas rencontré, parmi la foule, l’accueil qu’elle réserve à ses favoris, et la disproportion est forte entre le rang