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cinquante ans, veuve d’un M. de Sermoises, lequel était devenu depuis sa mort « mon pauvre Sermoises, » après avoir été, de son vivant, la fable des clubs à cause de la conduite de sa compagne. Cette dernière avait passé, en vieillissant, de la galanterie à la littérature, mais à une littérature bien pensante, et teintée de dévotion. Elle avait su vaguement par la comtesse que l’auteur du Sigisbée était le neveu d’un prêtre, et d’ailleurs, le caractère romanesque, comme répandu sur la petite comédie, lui permettait de croire que le jeune écrivain n’aurait jamais rien de commun avec la littérature actuelle, dont elle maudissait vertueusement les tendances, et elle disait à René, avec la solennité de précieuse doctrinaire qu’elle apportait à l’énoncé de ses idées, — un juge rendant son arrêt n’a pas plus de morgue implacable :

— « Ah ! Monsieur ! quelle poésie ! quelle grâce divine ! C’est du Watteau à la plume. Et quel sentiment ! … Cette pièce datera, Monsieur, oui, elle datera. Vous nous vengez, nous autres femmes, de ces prétendus analystes qui semblent écrire leurs livres avec un scalpel, sur une table de mauvais lieu… »

— « Madame… » balbutiait le jeune homme, assassiné par cette étonnante phraséologie.

— « Je vous verrai chez moi, n’est-ce pas, » continua-t-elle, « je reçois les mercredis de cinq à