outrance de paradoxe. Il se rua aussitôt sur le chemin que son ami venait de lui indiquer, et, lui serrant le bras de toute sa force :
— « Ce qu’elle m’a fait ? … » dit-il en riant d’un rire de malade. « Voulez-vous apprécier cet analyste aigu du cœur de la femme, ce psychologue subtil, comme on m’appelle dans les articles, ce Jobard de la grande espèce, comme je m’appelle moi-même ? Hélas ! Mon intelligence ne m’a jamais servi qu’à éclairer mes bêtises ! … Vous ai-je raconté, » ajouta-t-il d’une voix plus basse, « que j’ai la honte d’être jaloux de Salvaney ? … Mais vous ne connaissez pas Salvaney, un élégant de la nouvelle école qui s’amuse, son carnet de chèques à la main, — à cinq louis près, et commun ! … Avec un nez comme un cornet, un front dénudé, de gros yeux à fleur de tête, le teint d’un bouvier ! … Mais voilà : il est anglomane, anglomane à faire paraître Français le prince de Galles… Il a passé l’année dernière trois mois à Florence, et je l’ai entendu lui-même se vanter de n’avoir pas mis, durant ces trois mois, une chemise qui n’eût été blanchie à Londres. Je vous prie de croire que dans ce monde qui vous fascine tant, un trait pareil fait plus d’honneur à un homme que d’avoir écrit le Nabab ou l'Assommoir, ces deux chefs-d’œuvres… Hé bien ! ce personnage plaît à Colette.