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— « Il a raison, » se dit-elle quand Desforges fut parti, « c’est mon meilleur ami… » et, tout de suite, avec cette admirable facilité d’espérance que possèdent les femmes, lorsqu’un premier bonheur les surprend, elle voulut croire que les choses s’arrangeraient aussi aisément de l’autre côté. Étendue sur la chaise longue du petit salon, et tandis que ses doigts maniaient distraitement la jolie montre, sa pensée s’appliqua tout entière au poète et au procédé qu’il convenait d’employer pour le reprendre. Il s’agissait de préciser la situation et de la regarder bien en face. Que savait René ? Il l’avait renseignée lui-même sur ce premier point : il l’avait vue sortir de la maison de la rue du Mont-Thabor, et il en avait vu sortir Desforges. Or le baron, par prudence, ne s’en allait jamais par la même porte que sa maîtresse. Donc René connaissait l’existence des deux entrées. L’avait-il vue, elle, laisser sa voiture et marcher jusqu’à celle de ces entrées qui donnait sur la rue de Rivoli ? C’était bien probable. Si le seul hasard l’eût fait se rencontrer avec elle, d’abord, puis avec le baron, il n’eût rien pu conclure de ces deux rencontres. Non. Il l’avait épiée, suivie. Poussé par quelle influence ? Elle l’avait quitté au commencement de la semaine, à leur dernière entrevue, si rassuré, si tendre, si heureux ! Il n’y avait qu’une